Penser Auschwitz avec Heidegger

Publié le par JP

J.C.Milner concédait lors d'un entretien ("Le Monde à venir") : "c'est un fait : au sujet des chambres à gaz, la seule phrase proprement philosophique que je connaisse est due à Heidegger".

Il est inutile de demander de mesurer les éventuels commentaires à la gravité du propos. Nous rappelons qu'ici comme ailleurs nous nous plaçons simplement sous l’autorité de Hannah Arendt et de ses ouvrages, Eichmann à Jérusalem et Les origines du totalitarisme, que notre seule prétention a toujours été de résumer, maladroitement sans doute, en montrant sa dette envers Heidegger qui, contrairement à une rumeur étrangement répandue, dénonça, comme le remarque J.-C. Milner avec une honnêteté qui l'honore, l'horreur des camps nazis avec une lucidité selon nous inégalée.


Penser Auschwitz avec Heidegger
Heidegger contre le nazisme (2)


Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme décrit l'horreur des camps nazis en ces termes :

« Les camps de concentration, en rendant la mort elle-même anonyme (en faisant qu'il soit impossible de savoir si un prisonnier était mort ou vivant) dépouillaient la mort de sa signification : le terme d'une vie accomplie. En un sens ils dépossédaient l'individu de sa propre mort, prouvant que désormais rien ne lui appartenait et qu'il n'appartenait à personne. Sa mort ne faisait qu'entériner le fait qu'il n'avait jamais vraiment existé. »


Le système totalitaire, Points Seuil p.191 

Or ce faisant Arendt se réfère explicitement à la philosophie de Heidegger. Dans une conférence datant de 1949 on voit en effet ce dernier tenter lui aussi de penser l'horreur suprême dans les mêmes termes. Ce texte n'est compréhensible qu'à partir de la distinction effectuée dans Etre et temps (§§ 47 à 53) entre "mourir", qui n'appartient qu'à l'être humain, et "périr" :

"Des centaines de milliers meurent en masse. Meurent-ils ? Ils périssent. Ils sont tués. Ils deviennent les pièces de réserve d’un stock de cadavres en cours de fabrication. Meurent-ils ? Ils sont liquidés sans bruit dans les camps d'extermination. (...) Au milieu des morts innombrables l’essence de la mort demeure méconnaissable." 

C'est donc bien en pensant avec Heidegger que Arendt a pu cerner ce qui fait le caractère unique, la spécificité absolue de Auschwitz : la négation pure et simple de l'existence d'êtres humains. Pour s’en convaincre, on peut citer un autre passage des Origines du totalitarisme qui paraphrase sans ambiguïté ce même texte de Heidegger en reprenant l’expression de « fabrication de cadavres ». Arendt cherche à expliquer comment cette « fabrication » est possible :

« La fabrication massive et démentielle de cadavres est précédée par la préparation historiquement et politiquement intelligible de cadavres vivants. (…)

Le premier pas essentiel sur la route qui mène à la domination totale consiste à tuer en l’homme la personne juridique. A cette fin on a commencé par soustraire certaines personnes à la protection de la loi tout en forçant, par le moyen de la dénationalisation, le monde non-totalitaire à les reconnaître hors-la-loi ; ensuite le camp de concentration fut placé en dehors du système pénal normal, où un crime déterminé encourt une sanction prévue d’avance. (…) En termes de propagande, cela signifie que la « détention protectrice » est maniée comme une mesure de police préventive », autrement dit comme une mesure qui met les gens hors d’état d’agir. (…)

Le deuxième pas décisif dans la préparation de cadavres vivants est le meurtre en l’homme de la personne morale. « Combien, ici, croient encore à l’importance, même historique, d’une protestation ? Ce scepticisme-là, c’est bien le chef-d’œuvre des SS. Leur grande réussite. Ils ont corrompu toutes les solidarités humaines. Ici la nuit est tombée sur l’avenir. Lorsqu’il n’y a plus de témoins, aucun témoignage n’est possible. Manifester alors que la mort ne peut plus être écartée, c’est vouloir lui donner un sens, agir au-delà de sa mort. Pour s’accomplir, un geste exige une signification sociale. Nous sommes ici des centaines de milliers à vivre sciemment dans l’absolue solitude. C’est pourquoi ils acceptent. Le sens de la résignation. » (David Rousset, Les jours de notre mort, p.464) »

 

Le système totalitaire p.190


« Cadavres vivants », cela signifie qu’il n'y avait pas dans les camps, écrit aussi Arendt, de "différence entre un prisonnier vivant ou un prisonnier mort". C'est que ces gens étaient de toute façon déjà morts : indignes de vivre, ils n'auraient au fond jamais dû naître. On pouvait sans crime les « liquider » c’est-à-dire simplement les faire disparaître du monde et de l'histoire - et cela « sans bruit ». Pour les nazis tuer des millions d'hommes de « race inférieure » n'était pas un meurtre, mais un nettoyage sanitaire, de l'euthanasie.

D'où la stratégie de défense de Göring à Nuremberg : "au sens de l'accusation je ne suis pas coupable". Et le pire, en vient à dire Arendt dans Eichmann à Jérusalem, est qu’il a au fond raison : l'inculpation de meurtre est complètement inappropriée au regard du crime commis. Qu'est-ce en effet qu'une accusation de meurtre, fut-il de masse, pour juger Auschwitz ? Mais s'agit-il même d'un « crime »? Il est en fait impossible de qualifier juridiquement Auschwitz. Même nos critères moraux habituels se révèlent inappropriés. "Barbarie", "crime contre l'humanité" sont des palliatifs qui ne font qu'atténuer la gravité de la chose. A choisir,
en effet, on préférerait encore la barbarie au nazisme. Les nazis ont inauguré quelque chose de bien pire que la barbarie ou le crime - et pour quoi nous n'avons pas de nom.

Sans doute cela a-t-il souvent été remarqué, mais jamais exprimé avec autant de netteté que par Arendt. Or quand elle dit que le crime nazi est d’avoir non seulement pris la vie mais encore la mort à des hommes, que les camps "dépossédaient l'individu de sa propre mort", elle fait clairement référence à Etre et temps, où est analysé le statut de la mort dans le mode d'être particulier qu'est le Dasein : l'existence comprise comme domaine du possible.

Existence et mort

L'existence dans Etre et temps est le domaine ouvert des possibilités, domaine sur l'horizon duquel se détache une possibilité particulière, celle de notre propre mort qui peut surgir à tout instant. C'est cette possibilité permanente de la mort qui ouvre à l'homme l'horizon du possible, l’existence. L'existence se constitue sur le fond meme de cette possibilité. Dès lors la mort ne peut plus être conçue comme un simple événement au sein d’une chronologie. Mourir n'est plus le dernier événement de la vie (« périr »), mais son accomplissement : « le terme d’une vie accomplie » comme dit Arendt. Et en effet un accomplissement n'est pas temporel au sens chronologique, puisque c'est ce qui porte tout le reste dès le départ.

Ce rapport fondamental du Dasein à sa propre mort est nommé par Heidegger Sein zum Töde, "être envers la mort". La nuance d'aboutissement de la préposition zum pourrait être rendue par "être à la mort" au sens de l'expression "à la vie, à la mort". "Jusqu'à la mort" n'a en effet pas en français un sens temporel, mais d'aboutissement ("être à mourir" serait peut-être trop grandiloquent).
Le plus simple serait sans doute : "être à mort", comme traduit F.Fédier en pensant au "condamné à mort", le condamné étant évidemment celui pour qui la possibilité de la mort est la plus présente. Pour lui la mort est bel et bien quelque chose de palpable, et non pas rien comme l'aurait voulu Epicure. Ce qu’Epicure appelle mourir, c'est en fait périr. Je péris à un moment donné, mais la mort m’est présente depuis toujours. Le Dasein vit sans cesse sa propre mort dit Heidegger.

Or le statut des victimes des camps nazis n’était même pas celui de tels condamnés à mort, puisqu’ils étaient en fait déjà considérés comme morts, et traités comme tels. C’étaient des « cadavres vivants ». Ils n’avaient plus d’humanité, de personnalité, d’individualité. Et cela parce que les camps, écrit Arendt, « dépouillaient la mort de sa signification : le terme d’une vie accomplie ». Quelqu’un que l’on dépossède de sa mort n’a plus d’individualité, d’existence propre. Ma mort est en effet ce qui m’individualise absolument, car elle est ce qui m’est le plus propre, ce dont je ne peux me décharger sur personne, dit Heidegger, que Arendt se contente presque ici de paraphraser. 

Technique et extermination

Mais le comble de l'horreur est cependant atteint au milieu du texte de Heidegger quand le statut des victimes des camps est comparé à celui de "pièces de réserves d'un stock de cadavres en cours de fabrication". La comparaison avec l’industrie est reprise quand il dit que la structure technique des camps se retrouve ailleurs dans le monde moderne, par exemple dans l’agriculture intensive. Mais attention, ce n'est pas du tout une comparaison, il ne s'agit évidemment pas de relativiser Auschwitz, mais juste d'essayer d'en dégager le caractère scientifique et industriel :

« L’agriculture est aujourd’hui une industrie d’alimentation motorisée, dans son essence (Wesen) le Même (das Selbe) que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’anéantissement, le Même (das Selbe) que le blocus et la réduction de pays à la famine, le Même (das Selbe) que la fabrication de bombes à hydrogène. » 


(GA tome 79, [1949], "Bremer Vorträge. Einblick in was das ist", "Das Ge-Stell", p. 27)


Commentaire philosophique par G.Guest : "Il ne s'agit pas ici de "dasselbe" (la même chose), mais "das Selbe" (le Même, au regard de l'histoire de l'Être). Wesen, essence, ne doit pas être compris en son sens traditionnel, comme la nature d'une chose, mais en son sens actif, verbal (das Wesen west), comme déploiement appartenant à l'histoire de l'Être. Heidegger ne dit donc pas que l'agriculture comme industrialisation motorisée est d'un point de vue moral, la même chose que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz. Il dit que ces phénomènes contemporains relèvent du même déploiement au regard de l'histoire de l'Être, le deploiement comme Gestell à l'époque de la domination planétaire de la technique."

On a reproché à Heidegger la crudité de ces propos. Certains y ont même vu une tentative de minimiser Auschwitz, or dire qu’Auschwitz est un massacre industriel, cela en accentue bien plutôt l’horreur.
E.Faye va jusqu’à interpréter ces propos de Heidegger comme une insulte aux victimes des camps car révélateurs selon lui d’un « négationnisme ontologique » Le propos de Heidegger est bien le contraire d’un propos négationniste. E.Faye a clairement dérapé sur ce point. Il avoue en effet de manière frappante qu’il ne se rend en fait pas du tout compte du niveau d’horreur des camps nazis, niveau qu’il contribue ainsi à minimiser (contre son gré, sans doute). C’est ce qui a conduit des descendants de victimes à se sentir insultés par son livre (voir : Heidegger : le dérapage de la polémique ).

Mais au fond cela est tout simplement symptomatique de la difficulté qu’on a à se représenter l’irreprésentable, difficulté bien compréhensible qui conduit malgré soi à relativiser Auschwitz, en essayant par exemple de le comparer à des horreurs déjà connues, alors qu’Auschwitz est incomparable, comme on a raison de le répéter.
Pourquoi l’horreur nazie comme chacun sait dépasse-t-elle toutes les autres horreurs connues ? C’est un fait qu'Auschwitz ne ressemble à aucun autre génocide. Arendt rappelle sans cesse que le génocide n’a malheureusement rien d’une nouveauté dans l’histoire. Alors quoi? C’est sans aucun doute le caractère industriel de l’extermination. François Mauriac par exemple le remarquait en 1951 (merci à J.Dutant pour  cette citation) :

"Notre génération aura eu le privilège d'être le témoin du massacre le plus étendu, le mieux mené, le plus médité : un massacre administratif, scientifique, consciencieux, tel que pouvait être un massacre organisé par les Allemands."

Ce propos est intéressant parce qu’il pointe directement sur la spécificité de l’extermination et qu’en même temps il n'arrive pas à la penser jusqu'au bout. Mauriac en vient en effet à l'idée que le caractère scientifique de l’extermination serait typiquement allemand, comme si c'était la manière allemande de tuer des gens, alors qu’un autre peuple s’y serait pris autrement. Mauriac renonce ainsi à faire ce qu’il avait commencé, à savoir cerner la spécificité absolue d’Auschwitz. Dire que Auschwitz est "le mieux mené" des massacres, comme il fait, c’est finalement le comparer à d’autres massacres, et donc le relativiser - certes pour le définir, mais le relativiser tout de même.

Or ce qui c'est passé là-bas est unique. Arendt et Heidegger ont essayé avec leurs moyens de déterminer ce dont il s’agit. Avec la question du caractère industriel et scientifique de l’extermination apparaît ainsi celles de la technique moderne et de la politique qui lui est devenue dangereusement subordonnée. La technique a-t-elle été une aide accessoire ou bien le fond de l’affaire ? Auschwitz ne serait pas "l'organisation scientifique d'un massacre" mais un véritable "massacre pour la science" : c'est par exemple la thèse du livre "Science nazie" par B.Müller-Hill.

 

Le juriste et psychanalyste Pierre Legendre semble rejoindre quant à lui Heidegger :

"La victoire de 1945 est celle des organisateurs. Les retombées civiles de l'organisation tiennent en un mot : la gestion. Qu'il s'agisse d'administrer un camp de concentration, de produire et d'acheminer des quantités colossales d'équipements, de prévoir la succession de vagues de bombardiers sur une cible et de financer cette immense entreprise, vous trouvez partout la signature de techniciens et de scientifiques suspendus à l'efficacité de la gestion.
La poussée mondiale vers le Management est déjà là. Du reste, le vocabulaire managérial est, pour une large part, guerrier. Aborder aujourd'hui ces questions exige une pensée capable d'autre chose que de comptabilité, d'élans militants et de rabâchages. Alors on entrevoit que le triomphe du Management puisse aussi avoir affaire au Nihilisme, à l'abolition des limites, au versant suicidaire des sociétés modernes…"
Pierre Legendre dans Marianne

 

C'est sans doute parce que les nazis ont voulu gérer techniquement les stocks génétiques humains de la planète, comme des « médecins-policiers » (eugénisme), qu'ils se sont mis à liquider méthodiquement les populations, y compris la leur (euthanasie), sans raison apparente. La haine, sentiment encore humain, ne suffit pas en effet à expliquer une telle inhumanité. Comment pourrait-on être animé d'une passion comme la haine et en même temps rester "froid comme la glace" (Hitler) dans le raisonnement et l'exécution ? Et comment pourrait-on éprouver un sentiment de haine envers les malades cardiaques congénitaux par exemple, qui étaient la cible suivante sur la liste des catégories de population à euthanasier?  Il y a là quelque chose de tellement inhumain que c'en est incompréhensible. La limite est franchie du Nihil humani a me alienum puto.


 


voir aussi
AUSCHWITZ, MAL ABSOLU par Arendt





Ainsi s’achève - pour ma part en tout cas, et pour le moment peut-être, mais je crois que l'essentiel a été dit - la série d’articles sur « le cas Heidegger ». 

Dédicace à mon petit papa gauchiste, en ce 14 juillet, qui tous les ans à cette date s’enfermait chez lui pour écouter du Brassens. Cette année ils jouaient de la guitare ensemble tous les deux : je les ai entendus ce matin, ils chantaient à tue-tête pour couvrir la fanfare du défilé.

Merci infiniment à tous les lecteurs et commentateurs quels qu’ils soient d’avoir suivi cette aventure. Merci à notre Riri national que le monde entier nous envie et qui n’a vraiment pas froid aux yeux : sans même me connaître il m'a confié ses codes et laissé libre de publier ce que je voulais. Longue vie à p4p. 

J’aurais préféré que plus compétent que moi fasse ce travail, mais voyant qu'on laissait raconter n'importe quoi et que la rumeur se propageait partout, même à l'université, j'ai pris sur moi. Tous ces philosophes amis de la vérité qui participent à la propagation de rumeurs – crime de lèse-philosophie par excellence – cela m’a révolté. Je me suis fait traiter de révisionniste, alors que j’ai tout bonnement recopié des livres d’histoire.

J'espère avoir un peu contribué au débat, sans me faire d’illusions pour autant. Mon but était avant tout de rassurer les lecteurs de Heidegger : il n’était ni antisémite, ni raciste, ni totalitaire (en passant, Fédier non plus, qui serait plutôt du genre gauchiste - encore un - certainement pas "penseur de droite" comme j'ai entendu dire sans en croire mes oreilles). Vous pouvez sans risque continuer à étudier cette pensée admirable en tous points.



LA PHILOSOPHIE DE HEIDEGGER

La philosophie de Heidegger  
Dasein et Fantasia - La philo de Heidegger (2)  
(extrait de F.Fédier)

voir aussi

Publié dans Le "cas Heidegger".

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
en dirigeant l'organisation d'un peuple conçu comme masse vivante et comme race, l'esprit, en tant qu'intellect, devient la superstructure impuissante de quelque chose d'autre.en voilà déjà une prise de "Heidegger contre le nazisme". ça ne suffit pas certes mais je suis tout seul. j'en trouverai d'autres faites moi confiance. M."A propos" ne veut pas m'aider?
Répondre
J
RIEN DE RACIAL DANS LE DASEIN. Faye a inventé ça de toutes pièces. Pas de pensée plus contraire au racisme et au biologisme que celle de Heidegger. Le cours sur Nietzsche était destiné à empêcher la récupération nazie et biologiste de Nietzsche. Ce qu'a essayé de faire Faye est monstrueux, voire criminel : transformer des textes anti-racistes en pro-. Dans quel camp il est ce type? il se rend compte de ce qu'il fait? Il permet à des fachos du FN de citer Heidegger comme un des leurs ! alors que c'est leur pire ennemi !
Répondre
A
Rien de racial nulle part chez Heidegger, c'est quoi cette sottise, je n'avais pas envie de ressortir le livre de Faye et de le laisser aux oubliettes mais sachez cher JP, qu'il allait plus loin que Nietzsche qui déjà se laisser aller à parler de race, chose fort commmune avant la 2de guerre mondiale). Si avec Nietzsche il ni a pas de racisme et une attaque claire contre l'anti-sémitisme c'est moins évident avec Heidegger.Quelques citations à cet effet ?
Répondre
J
vous avez raison. mon propos était sans doute trop simpliste. mais il y a bien chez Marx et pas seulement chez lui cette idée que le progrès de l'histoire réclame le sacrifice d'individus. Lénine et surtout Staline n'ont fait qu'appliquer cette idée en politique en prenant en charge les dits sacrifices pour accélérer le progrès. Que ce soit un faux humanisme, je veux bien l'admettre.En ce qui concerne Heidegger, rien de racial nulle part. Le Dasein n'a pas de race. C'est là un concept biologique donc qui n'a aucune pertinence pour l'existence de l'homme.
Répondre
D
Je ne vois pas comment on peut affirmer que l'humanisme est la base de toutes les idéologies : c'est affirmer en même temps qu'il n'y eut jamais d'idéologie avant la naissance de ce courant libertaire - et libéral - en Italie d'abord, puis en France, qui s'opposait en tous les cas au diktat de l'Eglise toute puissante, donc à la morale révélée, pour défendre la possibilité d'une éthique induite par les leçons de l'histoire (je pense ici à Vico et à Spinoza qui ont bien résumé la chose). En ce sens, l'humanisme était une réaction nécessaire, et elle reste nécessaire comme antidote à toute forme de totalitarisme. En revanche, quand vous dites que l'individu, chez Marx, doit se sacrifier au destin de l'humanité, vous n'avez pas vraiment compris son message - que je ne partage pas non plus : Marx parlait bien d'une dictature provisoire, qui succèderait  à l'effondrement de la bourgeoisie et se solderait par la prise en main des moyens de production par le prolétariat, classe représentative du Travail et de la moralité pragmatique-séculaire. Aucune notion d'épuration - ça, c'est du Lénine ; aucune notion de retour de l'intellectuel aux champs - ça c'est du Mao. Pas de totalitarisme, mais une mise ne commun des moyens de production. je ne vois là rien de très "humaniste", en convenez-vous ? mais au contraire, une oeuvre de pensée préoccupée de "sauver" l'économie pour sauver les hommes, avant de réfléchir aux autres moyens d'y parvenir. En somme, marxisme et libéralisme sont sur le même échiquier. L'humanisme s'y situe également, mais veut, lui, un peu plus raisonnablement sans doute, se servir de l'échange et du retour aux sources de l'échange  - la Grèce des dialogues platonicien, l'Italie des pythagoriciens,  l'Egypte des hermétistes, ... - toutes doctrines dont le vrai mystère a résidé dans leur capacité de voyager et de briser les frontières entres les peuples pour les fédérer - pas de grande Grèce sans les doctrines et l'architecture égyptianisante, pas de grand Empire du Milieu sans Confucius : au fond, pas de civilisation sans pensée fédératrice. Car toutes ces idéologies, les seules à savoir triompher, n'étaient pas celles de le Hütte et de l'ermitage, mais celles de la fusion et de la vie partagée. Alors que les nazis aient surfé sur cette vague, que Heidegger ait parlé d'une communauté de destins, soit, mais là où on ne se laisse pas troper, c'est quand Heidegger et les nazis fondent leur notion de communauté sur la notion discriminante de race - race aryenne contre le monde. De même pour Marx : il n'y a pas d'humanisme, parce que les fondements sur lesquels il jette sa communauté est une opposition entre classes sociales - classe prolétaire contre bourgeoisie. La notion d'ennemi ou de conflit, chère à C. Schmitt, est en réalité la base des idéologies dangereuses. Et quand C. Schmitt, précisément, considère que cette notion d'ennemi, en-soi discriminante, est l'essence de le politique, on entre dans une remise en question totale de la manière dont les humanistes et les penseurs Grecs ont toujours pensé la civilisation. C'est en ce sens qu'il faut aller pour comprendre, à mon sens, le nazisme d'Heidegger. Et je crois que les preuves ne manquent pas qui tisseront les affinités entre l'idéologie du III° Reich et le penseur de Messkirch.   
Répondre